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loir et pour créer la liberté. L’esprit d’indépendance leur a toujours été inconnu. La révolte leur répugne, autant qu’elle les effraie. Elle est incompatible avec leur caractère résigné et soumis, avec leurs habitudes patiemment et paisiblement laborieuses, avec leur culte à la fois raisonné et mystique de l’autorité. On dirait que tous les bourgeois allemands naissent avec la bosse de la piété, avec la bosse de l’ordre public et de l’obéissance quand même. Avec de telles dispositions, on ne s’émancipe jamais, et même au milieu des conditions les plus favorables on reste esclave.

C’est ce qui arriva à la Ligue des villes hanséatiques. |119 Elle ne sortit jamais des bornes de la modération et de la sagesse, ne demandant que trois choses : qu’on la laissât paisiblement s’enrichir par son industrie et par son commerce ; qu’on respectât son organisation et sa juridiction intérieure ; et qu’on ne lui demandât pas des sacrifices d’argent trop énormes en retour de la protection ou de la tolérance qu’on lui accordait. Quant aux affaires générales de l’empire, tant intérieures qu’extérieures, la bourgeoisie allemande en laissa volontiers le soin exclusif aux « grands Messieurs » (den grossen Herren), trop modeste elle-même pour s’en mêler.

Une si grande modération politique a dû être nécessairement accompagnée, ou plutôt même est un symptôme certain, d’une grande lenteur dans le développement intellectuel et social d’une nation. Et en effet, nous voyons que pendant tout le treizième siècle, l’esprit allemand, malgré le grand