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vit dans sa servitude, tranquille et heureuse comme un rat dans un fromage, mais elle veut que le fromage soit grand. Depuis 1815 jusqu’à nos jours, elle n’a désiré qu’une seule chose ; mais cette chose elle l’a voulue avec une passion persévérante, énergique et digne d’un plus noble objet. Elle a voulu se sentir sous la main d’un maître puissant, fût-il un despote féroce et brutal, pourvu qu’il puisse lui donner, en compensation de son esclavage nécessaire, ce qu’elle appelle sa grandeur nationale ; pourvu qu’il fasse trembler tous les peuples, y compris le peuple allemand, au nom de la civilisation allemande.

On m’objectera que la bourgeoisie de tous les pays montre aujourd’hui les mêmes tendances ; que partout elle |111 accourt effarée s’abriter sous la protection de la dictature militaire, son dernier refuge contre les envahissements de plus en plus menaçants du prolétariat. Partout elle renonce à sa liberté, au nom du salut de sa bourse, et, pour garder ses privilèges, partout elle renonce à son droit. Le libéralisme bourgeois, dans tous les pays, est devenu un mensonge, n’existant plus à peine que de nom.

Oui, c’est vrai. Mais au moins, dans le passé, le libéralisme des bourgeois italiens, suisses, hollandais, belges, anglais et |97 français a réellement existé, tandis que celui de la bourgeoisie allemande n’a jamais existé. Vous n’en trouvez aucune trace ni avant, ni après la Réformation.