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impossible pour l’un que pour l’autre, parce que la possession de ces provinces constitue pour chacun d’eux la condition essentielle de sa puissance comme État. Ne pouvant se faire la guerre, nolens volens ils doivent être d’intimes alliés. Il suffit que la Pologne bouge, pour |88 que l’empire de Russie et le royaume de Prusse soient obligés d’éprouver l’un pour l’autre un surcroît de passion. Cette solidarité forcée est le résultat fatal, souvent désavantageux et toujours pénible, de l’acte de brigandage qu’ils ont commis tous les deux contre cette noble et malheureuse Pologne. Car il ne faut pas s’imaginer que les Russes, même officiels, aiment les Prussiens, ni que ces derniers adorent les Russes. Au contraire, ils se détestent cordialement, profondément. Mais comme deux brigands, enchaînés l’un à l’autre par la solidarité du crime, ils sont obligés de marcher ensemble et de s’entr’aider mutuellement. De là l’ineffable tendresse qui unit les deux cours de Saint-Pétersbourg et de Berlin, et que le comte de Bismarck n’oublie jamais d’entretenir par quelque cadeau, par exemple par quelques malheureux patriotes polonais livrés de temps à autre aux bourreaux de Varsovie ou de Vilna.

|76 À l’horizon de cette amitié sans nuage, il se montre pourtant déjà un point noir. C’est la question des provinces baltiques. Ces provinces, on le sait, ne sont ni russes, ni allemandes. Elles sont lettes ou finnoises, la population allemande, composée de nobles et de bourgeois, n’y constituant