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que sorte acte de générosité ; tandis que les républicains bourgeois, en déportant sans aucun jugement, et par mesure de sûreté générale, quatre mille trois cent quarante-huit citoyens, |58 ont foulé aux pieds leur conscience, craché à la face de leur propre principe, et en préparant, en légitimant le coup d’État de Décembre, ils ont assassiné la République.

Oui, je le dis ouvertement, à mes yeux et devant ma conscience, les Morny, les Baroche, les Persigny, les Fleury, les Piétriet tous leurs compagnons de la sanglante orgie impériale, sont beaucoup moins coupables que M. Jules Favre, aujourd’hui membre du gouvernement de la Défense nationale, moins coupables que tous les autres républicains bourgeois qui, dans l’Assemblée constituante et dans l’Assemblée législative, de 1848 à décembre 1851, ont voté avec lui. Ne serait-ce pas aussi le sentiment de cette culpabilité et de cette solidarité criminelle avec les bonapartistes, qui les rend aujourd’hui si indulgents et si généreux pour ces derniers ?

Il est un autre fait digne d’observation et de méditation. Excepté Proudhon et M. Louis Blanc, |69 presque tous les historiens de la Révolution de 1848 et du coup d’État de Décembre, aussi bien que les plus grands écrivains du radicalisme bourgeois, les Victor Hugo, les Quinet, etc., ont beaucoup parlé du crime et des criminels de Décembre, mais ils n’ont jamais daigné s’arrêter sur le crime et sur les criminels de Juin[1] !

  1. Ils ne pouvaient qualifier de « crime » la répression de l’insurrection de Juin et de « criminels » ceux qui s’étaient