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d’hui procureur de la République, et procureur vraiment |32 digne de ce nom, car il promet de surpasser bientôt, par son zèle ultra-juridique et par son amour démesure pour l’ordre public, les procureurs les plus zélés de l’empire, — M. Andrieux s’était posé sous le régime précédent comme un libre-penseur, comme l’ennemi fanatique des prêtres[1], comme un partisan dévoué du socialisme et comme un ami de l’Internationale. Je pense même que peu de jours avant la chute de l’empire, il a eu l’insigne honneur d’être mis en prison à ce titre, et qu’il en a été retiré par le peuple de Lyon en triomphe.

Comment se fait-il que ces hommes aient changé, et que, révolutionnaires d’hier, ils soient devenus des réactionnaires si résolus aujourd’hui ? Serait-ce l’effet d’une ambition satisfaite, et parce que se trouvant placés aujourd’hui, grâce à une révolution populaire, assez lucrativement, assez haut, ils tiennent plus qu’à toute autre chose à la conservation de leurs places ? Ah ! sans doute l’intérêt et l’ambition sont de puissants mobiles et qui ont dépravé bien des gens, |29 mais je ne pense pas que deux semaines de pouvoir aient pu suffire pour corrompre les sentiments de ces nouveaux fonctionnaires de la République. Auraient-ils trompé le peuple, en se présentant à lui, sous l’empire, comme des partisans de la

  1. Après les mots « des prêtres », le manuscrit de Bakounine contient encore ceux-ci : « comme un révolutionnaire échevelé, voire même… » Ces mots ont été supprimés sur l’épreuve à Genève. — J. G.