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son tour à l’exploitation de cette même bourgeoisie ?

Se venger toujours sur son propre dos et au profit de ceux-là mêmes dont on se propose de tirer vengeance ne me paraît pas très spirituel, et c’est pourquoi il m’est impossible de croire à la véracité des rapports des correspondants allemands. Les ouvriers si intelligents de Paris peuvent-ils ignorer que la victoire définitive des Prussiens |74 signifierait la misère et l’esclavage du prolétariat français beaucoup plus encore que l’humiliation et la ruine de la bourgeoisie de la France ? Pourvu qu’il y ait matière à exploitation, pourvu que la misère force le travailleur de vendre son travail à bas prix au bourgeois, la bourgeoisie se relève, et toutes ses pertes momentanées finissent toujours par retomber sur le prolétariat. Mais le prolétariat français, une fois enchaîné par les Prussiens, ne se relèvera pas de longtemps, à moins que les travailleurs de quelque pays voisin, plus énergiques et plus capables que lui, ne prennent l’initiative de la révolution sociale.

Voyons, quelles peuvent être les conséquences du triomphe définitif des Prussiens, et d’une paix dictée par eux à la France après la prise de Paris. La France perdrait la Lorraine et l’Alsace, et paierait au moins un milliard aux Prussiens pour couvrir leurs frais de guerre. Supposons qu’il soit parfaitement indifférent aux ouvriers de la France que deux provinces françaises tombent au pouvoir des Prussiens. Mais le milliard à payer ne pourra pas leur être indifférent, parce que le paiement de cette immense indemnité retombera nécessairement, comme tous les impôts, sur le peuple, car tout ce que paient les bourgeois est toujours payé par le peuple.

Les ouvriers français se consoleront-ils par l’espoir, qu’une fois la paix conclue, paix nécessairement hon-