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ront les ouvriers de Paris contre eux ? Il ne restera à faire qu’une seule chose, c’est de se soumettre comme des esclaves, ou bien de se laisser massacrer, comme les chrétiens se sont laissé massacrer, sans résistance.

Je comprends et je partage complètement la haine et le mépris des ouvriers de Paris pour les Tuileries, Notre-Dame, et même pour le Louvre. Ce sont autant de monuments de leur esclavage. Je les comprendrais et je les applaudirais, s’ils les avaient fait sauter dans une lutte populaire contre la bourgeoisie et contre l’autorité de l’État, au début d’une révolution sociale. Je comprendrais encore, si l’énergie leur manquait pour le faire eux-mêmes, |73 qu’ils applaudissent à leurs frères les ouvriers de l’Allemagne, si ces derniers, emportés et poussés par la tempête révolutionnaire dans la France bourgeoise, venaient y détruire les institutions, les monuments, la puissance et même les hommes de la bourgeoisie. J’aurais compris tout cela, tout en regrettant vivement que les ouvriers de France n’auraient pas trouvé en eux-mêmes la résolution et l’énergie nécessaires pour accomplir de leurs propres mains cette besogne. Ah ! si la France était envahie par une armée de prolétaires, Allemands, Anglais, Belges, Espagnols, Italiens, portant haut le drapeau du socialisme révolutionnaire et annonçant au monde l’émancipation finale du travail et du prolétariat, j’aurais été le premier à crier aux ouvriers de la France : « Ouvrez-leur vos bras, ce sont vos frères, et unissez-vous à eux pour balayer les restes pourrissants du monde bourgeois ! » Mais l’invasion qui déshonore la France aujourd’hui, ce n’est point une invasion démocratique et sociale, c’est une invasion aristocratique, monarchique et militaire. Les cinq ou six cent mille soldats allemands qui égorgent la France à cette