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menace pas seulement la fortune et la liberté des bourgeois, mais la liberté et la prospérité du peuple français tout entier, que par haine de la bourgeoisie et peut-être aussi par suite d’un sentiment vindicatif de mépris et de haine contre les paysans, les ouvriers voient d’un œil indifférent les armées allemandes envahir, piller, massacrer toutes les populations des provinces envahies et conquises, sans différence de classes : paysans et ouvriers encore plus que bourgeois, parce que ce sont les paysans et les ouvriers qui leur résisteront davantage ; qu’ils voient d’un œil indifférent les Prussiens venir s’emparer en maîtres de la ville de Paris, c’est-à-dire devenir les seigneurs de la France, — voici ce que je ne comprendrai jamais, ou plutôt voici ce que je craindrais de comprendre !

Si c’était vrai, — et j’espère toujours que cela ne l’est pas, — si c’était vrai, voici ce que cela prouverait. Cela prouverait d’abord, que les ouvriers, en rétrécissant à l’extrême la question économique et sociale, l’auraient réduite à une simple question de prospérité matérielle exclusivement pour eux-mêmes, c’est-à-dire à une étroite et ridicule utopie sans aucune réalisation possible. Car tout se tient dans le monde humain, et la prospérité matérielle ne peut être que la conséquence d’une révolution radicale et complète, embrassant pour les démolir toutes les institutions et organisations |71 actuelles et renversant avant tout, toutes les puissances existantes aujourd’hui, militaires et civiles, françaises aussi bien qu’étrangères. Cela prouverait d’un autre côté, qu’absorbés par cette utopie malsaine, les ouvriers de Paris et de France ont perdu tout sentiment de l’actualité, qu’ils ne sentent, ni ne comprennent plus rien en dehors d’eux-mêmes, et que par conséquent ils ont cessé de comprendre les conditions mêmes de leur propre émancipation ; que, cessant