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menaces sont sérieuses. Diable ! chacune d’elles a plus d’un demi-million de soldats pour nous écraser. Mais pour peu qu’on leur cède et qu’on fasse preuve d’un peu de bonne volonté, elles vous prodiguent les compliments les plus tendres, et mieux que des compliments : grâce aux systèmes financiers qui ruinent leurs peuples, les grandes puissances sont fort riches. Les gendarmes du canton de Vaud en savent quelque chose, et la bourse du prince Obolensky aussi.

Pris dans ce dilemme, le Conseil fédéral n’a pas pu hésiter. Son patriotisme utilitaire et prudent s’est décidé pour la politique de complaisance. Que lui fait d’ailleurs ce M. Netchaïef ! Ira-t-il, pour ses beaux yeux, affronter les colères du tsar et attirer sur la pauvre petite Suisse les vengeances de l’empereur de toutes les Russies ? Il ne peut hésiter entre ce jeune homme inconnu et le plus puissant monarque de la terre ! Il n’a pas à juger entre eux. Il suffit que le monarque réclame sa tête, il faut la lui livrer. D’ailleurs, il est évident que Netchaïef est un grand coupable. Ne s’est-il pas révolté contre son souve | 17 rain légitime, et n’a-t-il pas avoué dans sa lettre[1] qu’il est un révolutionnaire ?

Le Conseil fédéral, après tout, est un gouvernement. Comme tel, il doit avoir une sympathie naturelle pour tout gouvernement, quelle qu’en soit la forme, et une haine tout aussi naturelle contre les

  1. Une lettre de Netchaïef avait été publiée en février 1870 dans la Marseillaise, à Paris, dans l’Internationale, à Bruxelles, dans le Volksstaat, à Leipzig, et dans le Progrès, au Locle. — J. G.