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de félicitations fraternelles au général Cavaignac.

Épouvantée par le fantôme rouge, la bourgeoisie de l’Europe se laissa tomber dans une servilité absolue. Frondeuse et libérale par nature, elle n’adore pas le régime militaire, mais elle opta pour lui en présence des dangers menaçants d’une émancipation populaire. Ayant sacrifié sa dignité avec toutes ses glorieuses conquêtes du XVIIIe et du commencement de ce siècle, elle crut au moins avoir acheté la paix et la tranquillité nécessaires pour le succès de ses transactions commerciales et industrielles : « Nous vous sacrifions notre liberté, semblait-elle dire aux puissances militaires qui s’élevèrent de nouveau sur les ruines de cette troisième révolution, — laissez-nous en retour exploiter tranquillement le travail des masses populaires, et protégez-nous contre leurs prétentions, qui peuvent paraître légitimes en théorie, mais qui, au point de vue de nos intérêts, sont détestables. On lui promit tout, on lui tint même parole. Pourquoi donc la bourgeoisie, toute la bourgeoisie de l’Europe, est-elle généralement mécontente aujourd’hui ?

Elle n’avait point calculé que le régime militaire coûte cher, que déjà par sa seule organisation intérieure, il paralyse, il inquiète, il ruine les nations, et que, de plus, obéissant à une logique qui lui est propre et qui ne s’est jamais démentie, il a pour conséquence infaillible la guerre ; guerres dynastiques,