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il y a cette différence entre le travail des classes aisées et celui des classes ouvrières, que le premier étant rétribué dans une proportion infiniment plus forte que le second, il laisse à ses privilégiés le loisir, cette condition suprême de tout humain développement, tant intellectuel que moral — condition qui ne s’est jamais réalisée pour les classes ouvrières. Ensuite, le travail qui se fait dans ce monde des privilégiés, est presque exclusivement un travail nerveux — c’est-à-dire celui de l’imagination, de la mémoire et de la pensée ; — tandis que le travail des millions de prolétaires est un travail musculaire, et souvent, comme dans toutes les fabriques, par exemple, un travail qui n’exerce pas tout le système musculaire de l’homme à la fois, mais en développe seulement une partie au détriment de toutes les autres, et se fait en général dans des conditions nuisibles à la santé du corps et contraires à son développement harmonique. Sous ce rapport, le travailleur de la terre est beaucoup plus heureux : sa nature, non viciée par l’atmosphère étouffante et souvent empoisonnée des usines et des fabriques, ni contrefaite par le développement anormal d’une de ses forces aux dépens des autres, reste plus vigoureuse, plus complète, — mais en revanche, son intelligence est presque toujours plus stationnaire, plus lourde et beaucoup moins développée que celle des ouvriers des fabriques et des villes.