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nous pas vu la grande nation française se constituer deux fois en république démocratique, et deux fois perdre sa liberté et se laisser entraîner à des guerres de conquête ?

Attribuerons-nous, comme le font beaucoup d’autres, ces rechutes déplorables au tempérament léger et aux habitudes disciplinaires historiques du peuple français qui, prétendent ses détracteurs, est bien capable de conquérir la liberté par un élan spontané, orageux, mais non d’en jouir et de la pratiquer ?

Il nous est impossible, messieurs, de nous associer à cette condamnation d’un peuple entier, l’un des plus intelligents de l’Europe. Nous sommes donc convaincus que si, à deux reprises différentes, la France a perdu sa liberté et a vu sa république démocratique se transformer en dictature et en démocratie militaires, la faute n’en est pas au caractère de son peuple, mais à sa centralisation politique qui, préparée de longue main par ses rois et ses hommes d’État, personnifiée plus tard dans celui que la rhétorique complaisante des cours a appelé le Grand Roi, puis poussée dans l’abîme par les désordres honteux d’une monarchie décrépite, aurait péri certainement dans la boue, si la Révolution ne l’avait relevée de ses mains puissantes. Oui, chose étrange, cette grande révolution qui, pour la première fois dans l’histoire, avait proclamé la liberté non plus du citoyen seulement, mais de l’homme,