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une immortalité plus immortelle que celles des hommes ; soutenu désormais par l’omniscience et par l’omnipotence divines, l’individu recueilli et libre en lui-même ne peut plus avoir besoin d’autres hommes. Donc s’il continue encore de garder quelques rapports avec eux, ce ne peut être que pour deux raisons.

D’abord, parce que tant qu’il reste affublé de son corps mortel, il a besoin de manger, de s’abriter, de se couvrir, de se défendre aussi bien contre la nature extérieure que contre les attaques des hommes, et lorsqu’il est un homme civilisé, il a besoin d’une quantité de choses matérielles qui constituent l’aisance, le confort, le luxe et dont plusieurs, inconnues à nos pères, sont considérées aujourd’hui par tout le monde comme des objets de première nécessité. Il aurait bien pu suivre l’exemple des saints des siècles passés et s’isolant dans quelque caverne se nourrir de racines. Mais il paraît que ce n’est plus dans les goûts des saints modernes, qui pensent sans doute que le confort matériel est nécessaire au salut de l’âme. Donc il a besoin de toutes ces choses ; mais ces choses ne peuvent être produites que par le travail collectif des hommes : le travail isolé d’un seul homme serait incapable d’en produire seulement la millionième partie. D’où il résulte que l’individu en possession de son âme immortelle et de sa liberté intérieure indépendante de la société, le saint moderne, a matérielle-