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Au point de vue de la morale absolue, c’est-à-dire de celui du respect humain, et je m’en vais dire tout à l’heure ce que j’entends par ce mot, cette puissance de la société peut être bienfaisante, comme elle peut être aussi malfaisante. Elle est bienfaisante lorsqu’elle tend au développement de la science, de la prospérité matérielle, de la liberté, de l’égalité et de la solidarité fraternelle des hommes, elle est malfaisante lorsqu’elle a des tendances contraires. Un homme né dans une société de brutes reste à très peu d’exceptions près une brute ; né dans une société gouvernée par les prêtres, il devient un idiot, un cagot ; né dans une bande de voleurs, il deviendra probablement un voleur ; né dans la bourgeoisie il sera un exploiteur du travail d’autrui ; et s’il a le malheur de naître dans la société des demi-dieux qui gouvernent cette terre, nobles, princes, fils de rois, il sera selon les degrés de ses capacités, de ses moyens et de sa puissance un mépriseur, un asservisseur de l’humanité, un tyran. Dans tous ces cas, pour l’humanisation même de l’individu, sa révolte contre la société qui l’a vu naître devient indispensable.

Mais, je le répète, la révolte de l’individu contre la société, c’est une chose bien autrement difficile, que sa révolte contre l’État. L’État est une institution historique, transitoire, une forme passagère de la société, comme l’Église elle-même dont il est le frère cadet,