Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il ne doive plus avoir besoin ni de gouvernement, ni d’État. Un tel peuple ne peut avoir besoin seulement de vivre, laissant un libre cours à tous ses instincts : la justice et l’ordre public surgiront d’eux-mêmes et naturellement de sa vie, et l’État cessant d’être la providence, le tuteur, l’éducateur, le régulateur de la société, renonçant à tout pouvoir répressif, et tombant au rôle subalterne que lui assigne Proudhon, ne sera plus qu’un simple bureau d’affaires, une sorte de comptoir central au service de la société.

Sans doute, une telle organisation politique, ou plutôt une telle réduction de l’action politique, en faveur de la liberté de la vie sociale, serait un grand bienfait pour la société, mais elle ne contenterait nullement les partisans quand même de l’État. Il leur faut absolument un État-providence, un État-directeur de la vie sociale, dispensateur de la justice et régulateur de l’ordre public. C’est-à-dire, qu’ils se l’avouent ou non et lors même qu’ils s’appelleraient républicains, démocrates ou même socialistes, — il leur faut toujours un peuple plus ou moins ignorant, mineur, incapable ou, pour nommer les choses par leur nom, un peuple plus ou moins canaille à gouverner ; afin sans doute, que, faisant violence à leur désintéressement et à leur modestie, ils puissent eux-mêmes garder les premières places, afin d’avoir toujours l’occasion de se dévouer à la chose publique et