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immédiatement à l’absurde et sans se suicider à coup sûr. Mais en les reconnaissant et en se les appropriant par l’esprit, l’homme s"élève au-dessus de l’obsession immédiate du monde extérieur, puis devenant créateur à son tour, n’obéissant désormais qu’à ses propres idées, il transforme ce dernier plus ou moins selon ses besoins progressifs et lui inspire en quelque sorte l’image de son humanité.

Ainsi ce que nous appelons monde humain n’a point d’autre créateur immédiat que l’homme qui le produit en conquérant, pas à pas, sur le monde extérieur et sur sa propre bestialité, sa liberté et son humaine dignité. Il les conquiert, poussé par une force indépendante de lui, irrésistible et qui est également inhérente à tous les êtres vivants. Cette force, c’est le courant universel de la vie, celui-là même, que nous avons appelé la causalité universelle, la nature, et qui se traduit dans tous les êtres vivants, plantes ou animaux, par la tendance à réaliser, chacun pour soi-même, les conditions vitales de son espèce — c’est-à-dire à satisfaire ses besoins. Cette tendance, manifestation essentielle et suprême de la vie, constitue la base même de ce que nous appelons volonté : fatale et irrésistible dans tous les animaux, sans en excepter l’homme le plus civilisé — instinctive, on pourrait presque dire, mécanique, dans les organisations inférieures ; plus intelligente dans les espèces supérieures,