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distinguant de tous les autres peuples, l’individualisent en quelque sorte ; mais ce n’est jamais un individu, un être unique et indivisible, dans le sens réel de ce mot. Quelque développée que soit sa conscience collective et quelque concentrée que puisse se trouver, au moment d’une grande crise nationale, la passion ou ce qu’on appelle la volonté populaire vers un seul but, jamais cette concentration n’atteindra celle d’un individu réel. En un mot, aucun peuple, quelque uni qu’il se sente, ne pourra jamais dire : je veux ! il devra toujours dire : nous voulons. L’individu seul a l’habitude de dire : je veux ! Et lorsque vous entendez dire, au nom d’un peuple entier : il veut ! soyez bien sûr qu’un usurpateur quelconque, homme ou parti, se cache derrière.

Sous le mot création, nous n’entendons donc ici ni la création théologique ou métaphysique, ni la création artistique, savante, industrielle, ni n’importe quelle création derrière laquelle se trouve un individu créateur. Nous entendons tout simplement par ce mot le produit infiniment complexe d’une quantité innombrable de causes très différentes, grandes et petites, quelques-unes connues, mais dont la plus immense partie reste encore inconnue, et qui, dans un moment donné, s’étant combinées, non sans raison, sans doute, mais sans plan tracé d’avance et sans préméditation aucune, ont produit le fait.