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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

seulement. Il était moral au plus haut degré, que les responsables de la guerre fussent jugés, Guillaume II à leur tête : il est vrai, toutefois, qu’ils ne l’ont pas été. Il était moral que l’Alle­magne fût privée de sa marine et de ses colonies. Elle ne les eût gardées que pour un mauvais usage : « C’eût été élargir le domaine de l’injustice dans le monde et offrir à l’Allemagne des occasions nouvelles de faire peut-être du mal dans l’avenir ». Enfin il était moral, deux fois moral, que l’Allemagne fût astreinte à payer, d’abord parce qu’elle avait à réparer les dommages causés à autrui, ensuite parce qu’il fal­lait que le peuple allemand comprît que la guerre est une mauvaise opération et qui ne rapporte rien. Ainsi cette paix, rendue comme un arrêt de justice, aurait encore l’avantage de moraliser le condamné. « J’espère, continuait M. Lloyd George, que l’Allemagne comprendra que sa défaite a fait son salut en la débarrassant du militarisme, des Junkers, des Hohenzollern. Elle a payé un prix élevé pour sa délivrance. Je crois qu’elle trouvera que cela en valait la peine. Quand elle le croira, alors l’Allemagne sera digne d’entrer dans la Société des Nations. »

Ce discours de M. Lloyd George a autant de clartés que d’ombres. Il passe assurément sous silence les bénéfices que la Grande-Bretagne a retirés de la victoire, et le principal, c’est qu’elle est soulagée d’une concurrence maritime redoutable. Apparemment, ces avantages étaient sentis par la masse des Anglais. Ils l’étaient assez pour