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déric de Hohenzollern, a-t-il écrit, avait le bon esprit qui s’est perpétué dans sa maison de tenir de l’argent en réserve. » C’est par ces moyens, si réalistes qu’ils en sont terre à terre, mais appliqués à une matière sans cesse accrue et dans des proportions toujours plus vastes, que les Hohenzollern en sont venus à organiser toute l’Allemagne comme une seule entreprise, comprenant une caserne et une ferme d’abord, une usine ensuite. Celui qui, le premier de sa race, prit le titre de roi, profitait des réserves en soldats et en florins accumulées par le Grand Électeur, comme Frédéric II devait profiter des économies du roi-sergent.

Si l’Électeur de Hanovre inquiétait Louis XIV mourant parce qu’il était roi en Angleterre, l’Électeur de Brandebourg lui était suspect parce qu’il s’était fait roi en Prusse. Il avait fallu des circonstances extraordinaires pour que les Hohenzollern pussent s’élever à la dignité royale. Ils n’avaient pas laissé échapper une seule des occasions qui s’étaient présentées. Le Grand Électeur avait commencé par affranchir son duché prussien de la suzeraineté polonaise. Il savait déjà comment traiter la pauvre République de Pologne. Membre du Saint-Empire par le Brandebourg, il était indépendant et maître chez lui en Prusse. Et si, dans le Saint-Empire, nul ne pouvait être roi, cette interdiction n’existait pas pour la Prusse, extérieure à l’Empire. Frédéric s’y couronna lui-même à Kœnigsberg, le 18 janvier 1701 : grande date de l’histoire prussienne. Comme devait l’écrire plus tard son petit-fils dans les Mémoires de Brandebourg : « C’était une amorce que Frédéric jetait à toute sa postérité et par laquelle il semblait lui dire : je vous ai acquis un titre, rendez-vous-en digne ; j’ai jeté les fondements de votre grandeur ; c’est à vous d’achever l’ouvrage. » À partir de ce moment, selon le mot de Stuart Mill, l’Allemagne devenait une « possibilité permanente d’annexion pour la Prusse ». Au cent soixante-dixième anniversaire du couronnement de Kœnigsberg, le 18 janvier 1871, un Hohenzollern devait être, en effet, proclamé Empereur alle-