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sité de prévenir et d’arrêter au besoin par la force un retour aux anciennes idées de suprématie européenne si longtemps nourries par l’Autriche, Louis XIV voyait en elle une associée contre les nouvelles tendances qui se faisaient jour dans les pays allemands. Il continuait et il étendait le système de Richelieu : après les États catholiques allemands, c’était l’Autriche qu’il voulait faire entrer dans son alliance comme contrepoids aux États protestants qui, à la faveur des événements, avaient remarquablement grandi.

Les instructions que le comte du Luc reçut en janvier 1715, sept mois avant la mort de Louis XIV, développent ces vues avec ampleur. Il s’agit pour l’ambassadeur du roi — le premier, on le souligne, qui s’en aille à Vienne en cette qualité, — de « former entre la maison de France et la maison d’Autriche une union aussi avantageuse à leurs intérêts qu’elle sera nécessaire au maintien du repos général de l’Europe. » Le comte du Luc représentera à l’Empereur que la France ne voit plus d’inconvénient à ce que la couronne impériale reste dans sa Maison et l’aidera même à ce qu’aucune puissance nouvelle ne s’en empare. Toujours sur ses gardes, la diplomatie royale distinguait en effet que, si les Habsbourg, vaincus et définitivement usés en Allemagne, n’avaient plus aucune chance d’y constituer une grande monarchie héréditaire, la même ambition pouvait venir à d’autres puissances qui s’appuieraient sur l’élément opposé, c’est-à-dire sur l’élément protestant. C’était faire preuve d’une pénétration et d’une justesse de coup d’œil extraordinaires que de reconnaître que le grand zèle des princes protestants pour la « liberté germanique » s’éteindrait dès que l’un d’eux verrait s’ouvrir la perspective de confisquer cette liberté à son profit. Deux États étaient signalés au comte du Luc comme également à surveiller : c’était l’électorat de Hanovre, dont le titulaire venait de gagner singulièrement en puissance et en force par son avènement au trône d’Angleterre, et c’était le royaume de Prusse. Hanovre ou Prusse, le danger d’une grande monarchie alle-