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appelé celui de Louis XIV. Hevelius perdit, par un incendie, une immense bibliothèque : le monarque de France gratifia l’astronome de Dantzick d’un présent fort au-dessus de sa perte. » C’était un système qui continuait dans les détails celui dont le traité de Westphalie formait les grandes lignes d’ensemble.

Biedermann qui, en Allemand patriote de l’ère nouvelle, a étudié, la honte au cœur, la période de cent cinquante années environ où l’Allemagne a été sous la dépendance de la France, finit par conclure que l’avance prise par les Français dans le domaine politique rend compte du rayonnement de leur civilisation et de leur génie. L’État si fortement constitué, si complet, de Louis XIV possédait ce qu’il fallait pour dominer dans tous les domaines, matériels et spirituels, une Allemagne où l’État n’avait que des organes rudimentaires et végétait pauvrement. Leibnitz avait beau reprocher aux Allemands leur engouement pour les modes étrangères, lui-même ne manquait pas d’écrire en français. Il fut attiré par Louis XIV : « Car ce prince, dit Biedermann, tandis qu’il écrasait l’Allemagne, accordait à ses savants toute sorte de distinction, grâce à l’organisation de ses grands instituts scientifiques, tandis que ces mêmes savants en Allemagne n’obtenaient aucune récompense de leurs travaux. » Privés d’un État digne de ce nom, les Allemands avaient perdu le support de toute vie nationale et de toute vie intellectuelle. Dans ce temps-là, l’« organisation » était de notre côté. Il s’y joignait l’attrait, la séduction de nos idées et de nos mœurs : c’est ainsi que La Bruyère a pu comparer Louis XIV au « bon berger » qui sait attacher les uns par la servitude dorée, les autres par la servitude volontaire.

Dans les mémoires qu’il a écrits « pour l’instruction du Dauphin » et qui sont l’œuvre d’un esprit rompu à la politique et désireux que ses propres expériences ne soient pas perdues, Louis XIV a indiqué les recettes grâce auxquelles un État peut prendre et garder de l’ascendant sur ses voisins. Il connaissait les ressorts par lesquels on meut les hommes. Il savait que, si la