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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

où il s’agit toujours de trouver pour les peuples, avec le moyen de garantir leurs libertés et leur existence, le principe régulateur de leurs relations.

Le traité de Westphalie, écrit Proudhon, a reconnu, contrairement aux idées qui, depuis un temps immémorial, avaient cours dans le monde, non pas que le droit de la guerre jusqu’alors observé fût une chimère, un préjugé de la barbarie : personne n’y eût ajouté foi. Il a déclaré seulement ceci que l’hypothèse d’une monarchie universelle, conséquence extrême du droit de la guerre, admise par les anciens peuples… était chimérique ; qu’ainsi, quelles que fussent les guerres qui pourraient à l’avenir désoler les nations chrétiennes, ces guerres ne pourraient aller jusqu’à les absorber toutes en une seule et à renouveler de la sorte l’expérience d’un État unique ; que, sauf la délimitation à faire des territoires, la pluralité des puissances était, à l’avenir, reçue en principe, et, autant que possible, maintenue par leur égalité ou équilibre.

Depuis cette époque, le principe d’équilibre a été reçu dans le droit des gens : en sorte qu’on peut dire, en toute logique et vérité, que, si le droit de la victoire ou la raison de la force est le premier article du droit des gens, la pluralité des puissances, et, par suite, la raison d’équilibre, en est le second.

… Tant qu’il y aura pluralité de puissances plus ou moins équilibrées, le traité de Westphalie existera : il n’y aurait qu’un moyen de l’effacer du droit public de l’Europe, ce serait de faire que l’Europe redevînt… un empire unique… Charles-Quint et Napoléon y ont échoué : il est permis de dire, d’après ce double insuccès, que l’unité et la concentration politique, élevées à ce degré, sont contraires à la destinée des nations ; le traité de Westphalie, expression supérieure de la justice identifiée avec la force des choses, existe à jamais.

De l’absolu où il se place, Proudhon n’oublie que deux choses qui lui fussent devenues plus sensibles s’il avait pu voir les guerres de 1870 et de 1914 et le germanisme déchaîné : c’est d’abord que cette justice était fondée sur l’abaissement de l’Allemagne. C’est ensuite que cette justice se rencontrait avec le bien de la France.

À l’« ordre européen », tel qu’il était sorti des traités de Westphalie, la France se trouvait la première attachée. Tout ce qui était de nature à troubler cet ordre était de nature à atteindre en même temps la France. Notre politique européenne devait