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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

s’étaient affaiblis beaucoup plus vite, leur décadence avait été beaucoup plus profonde en France qu’en Allemagne. Chez nous, les grands feudataires avaient entrepris aussitôt de profiter de cette circonstance pour énerver et ruiner définitivement le pouvoir royal en portant au trône tantôt un carolingien et tantôt un robertinien, dans l’idée d’empêcher que le pouvoir ne se fixât dans une même famille. Quand Hugues Capet eut pris le pouvoir, les mêmes éléments se retrouvèrent pour battre en brèche l’autorité de ses successeurs avec l’espoir de la détruire comme ils avaient détruit celle des carolingiens. Le loyalisme n’est pas toujours la vertu des aristocraties ni des grands.

Hugues Capet et ses descendants restaient des rois élus, en quelque sorte consuls à vie, qui, pour tourner le principe de l’élection, faisaient sacrer leur fils aîné avant leur mort, de même que les Empereurs germaniques faisaient, de leur vivant, nommer leur fils « roi des Romains ». Mais l’archevêque de Reims n’avait-il pas d’abord refusé à Hugues Capet de sacrer Robert le Pieux, « de peur, disait-il, que la royauté ne s’acquît désormais par droit héréditaire » ? Paroles significatives dans la bouche d’un haut dignitaire ecclésiastique qui vivait il y aura bientôt mille ans… Au XIIIe siècle seulement, Louis VIII, le père de saint Louis, est le premier capétien qui ait eu véritablement accès au trône en vertu du principe héréditaire, qui ait été roi par droit de succession avant de l’être par le sacre et par l’acclamation populaire. Une centaine d’années plus tard, la « loi salique » fixera ce progrès et cette conquête de nos capétiens. La maxime : « Le Roi est mort, vive le Roi ! » prendra cours. Singulière rencontre de l’histoire : cette acquisition de l’hérédité par la royauté française correspond presque exactement, pour l’Allemagne, au grand Interrègne, à l’échec définitif de la puissante maison des Hohenstaufen.

D’où vient cette différence ? D’où vient que les modestes capétiens aient réussi où avaient échoué ces brillantes familles otho-