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à l’illusion de toutes les démocraties, qui, depuis celle d’Athènes, ont donné aux conflits de la politique intérieure le pas sur le reste. Les Républiques ont toujours tendance à vivre en vase clos. Ce paysan dont un pré ferme l’horizon, ce prolétaire dont les deux bras sont le seul bien, ce commerçant accablé de soucis, et même, dans une sphère supérieure, ce médecin, cet avocat, que leur profession spécialise, comment leur attention se porterait-elle avec continuité au delà des frontières ? Pendant quarante ans, à la Chambre française, faite à l’image de la société moyenne, les questions de politique extérieure n’ont jamais été traitées que par un petit nombre de parlementaires, toujours les mêmes, écoutés avec la déférence qu’on accorde à ceux qui ont pénétré des sciences ardues, mais écoutés avec distraction. En réalité, tous les ministres des Affaires étrangères du gouvernement de la République avaient suivi la politique qu’ils voulaient. Le Parlement leur donnait un blanc-seing. La démocratie française s’est occupée avant tout d’une redistribution des richesses. Sa grande préoccupation a été les impôts, les traitements, les retraites. Sa politique a été surtout fiscale. Son souci a été de répartir le capital de la nation, non de l’accroître, ni même de le protéger. Dans le même temps, nous avons vu, en Angleterre, une tendance toute pareille diriger le corps électoral et le Parlement. Selon la parole si souvent répétée par lord Rosebery dans ses campagnes contre le radicalisme anglais, et qui servira peut-être plus tard à caractériser l’attitude de la France et de l’Angleterre dans les années qui ont précédé la guerre, on s’occupait de créer, dans ces deux pays, une sorte de chimérique Eden sans s’inquiéter de savoir si les loups ne seraient pas tentés d’entrer dans la bergerie.

Cependant l’État monstrueux que la Prusse avait créé en Allemagne pesait sur la vie de l’Europe. Cette vaste monarchie