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principe des nationalités, Bismarck réclamait le Schleswig-Holstein. Au nom du principe des nationalités, Napoléon resta neutre, laissa écraser le Danemark. Plus tard, il éprouva le besoin de s’excuser, avec une naïveté d’ailleurs prodigieuse : « L’Empereur, après avoir proclamé très haut le principe des nationalités, pouvait-il tenir, sur les bords de l’Elbe, une autre conduite que celle qu’il avait suivie sur les bords de l’Adige ? Il était d’ailleurs bien loin de supposer que la guerre, dont le but avoué était de soustraire les Allemands à la domination danoise, devait avoir pour résultat de mettre des Danois sous la domination allemande. » Tel est le danger de ce fameux principe, dans lequel on veut voir aujourd’hui le remède aux maux de l’Europe. Principe à double tranchant : après avoir mis les Danois et des Alsaciens-Lorrains sous la domination prussienne, pourquoi, dans l’avenir, deviendrait-il incapable de créer d’autres désordres et d’autres iniquités ?

La guerre de 1864 avait procuré à Bismarck l’occasion recherchée par lui d’une rupture avec l’Autriche pour chasser définitivement cette puissance hors d’Allemagne. Quand la guerre de 1866 eut éclaté, Napoléon III se trouva encore engagé par son système à rester neutre. D’ailleurs, la Prusse n’était-elle pas l’alliée de l’Italie ? Se retourner contre la Prusse, prendre le parti de l’Autriche, n’eût-ce pas été renier la guerre de 1859, remettre en question la libération italienne ? Napoléon III l’eût-il voulu, comme le conseillait Drouyn de Luis, toujours inécouté, que l’opinion publique ne le lui eût pas permis. Toute l’opinion libérale et républicaine, toute la presse démocratique s’exaltaient pour la cause prussienne qui était la cause de l’unité italienne et de l’unité allemande : exaltation sincère, naturelle, conforme aux traditions de la démocratie. Bismarck s’est vanté plus tard d’avoir nourri cet enthousiasme par des subsides adroitement distribués et il a expliqué comment il n’eut, le jour où il voulut la guerre contre la France, qu’à suspendre ces distributions pour attiédir les sympathies prussophiles. L’or peut jouer le rôle