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Napoléon III pour affranchir l’Italie et créer un État italien.

La guerre de 1859 marque l’apogée de la popularité du Second Empire. La démocratie se reconnaît elle-même, s’admire, applaudit ses plus vieilles aspirations satisfaites par cette guerre contre l’Autriche. D’anciennes traditions, des passions transmises de très loin se raniment. Le procureur général Pinard, célèbre par les invectives de Victor Hugo, prononçait alors ce mot curieux : « Pour trouver les partisans d’une guerre en Italie, il faut aller les chercher dans les centres où l’on complote la chute de l’Empire. » C’était, sous une forme excessive, l’expression d’une idée juste. La guerre contre l’Autriche absolutiste et cléricale, la guerre pour la libération italienne, transportait d’enthousiasme les libéraux (Havin et Guéroult), et les républicains mêmes qui n’avaient pas désarmé dans leur ressentiment contre le coup d’État. C’est Jules Favre qui adressait alors à l’Empereur cette apostrophe : « Si vous voulez détruire le despotisme autrichien, délivrer l’Italie de ses atteintes, mon cœur, mon sang, tout mon être est à vous. » Le jour où Napoléon III se rendit à la gare de Lyon pour rejoindre notre armée de Lombardie fut le plus beau jour de son règne. Paris en fête couvrit sa voiture de fleurs. Le faubourg Saint-Antoine, où les barricades du Deux-Décembre s’étaient dressées, l’acclama.

Magenta, Solférino, brillantes victoires, n’avaient pourtant pas fait couler le sang français pour l’Italie seule. C’est pour la Prusse, pour l’ennemi du lendemain, que la démocratie napoléonienne avait travaillé. Bismarck disait alors, sans déguiser son contentement : « Si l’Italie n’existait pas, il faudrait l’inventer. » Dès lors, il voyait la possibilité de chasser l’Autriche de l’Allemagne, de s’allier contre elle au jeune État italien. Encore deux fautes de Napoléon III, et Bismarck réussira pleinement.

Ces deux fautes, la démocratie napoléonienne, en vertu de ses principes, ne devait pas manquer de les commettre. Ce fut d’abord l’affaire des duchés, où Bismarck entraînait l’Autriche avec perfidie pour mieux se brouiller avec elle. Au nom du