Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

c’était aux applaudissements de la foule, qui jamais d’aussi bon cœur et avec autant d’irréflexion qu’en France n’aura crié : « Vive ma mort ! »

Il a fallu les cruelles leçons de 1870 pour donner un autre cours, non pas à l’opinion publique, toujours lente à se mettre au niveau de la raison et de la science, mais aux jugements de l’histoire. Comparés au traité de Francfort, les traités de Vienne sont apparus tels qu’ils ont été : un chef-d’œuvre de diplomatie, par lequel les effets d’écrasants désastres ont été réparés dans la mesure du possible. Par une effroyable ingratitude, l’opinion publique a fait porter aux Bourbons la peine des défaites que le règne de l’opinion avait causées, dont l’idole du peuple était responsable. S’il est un exemple qui apprenne aux grands politiques qu’ils doivent travailler pour les masses sans espérer d’être remerciés ni même d’être compris, c’est bien celui-là. Et c’est encore, dans notre histoire, un nouveau scandale pour l’intelligence que les Français aient si violemment haï des traités qui, dans la situation détestable où les avaient laissés la Révolution et l’Empire, leur rendaient, presque intact dans ses anciennes limites, le territoire que les vainqueurs se proposaient de partager. En outre, ces traités détournaient de nous un péril, celui que nos frontières fussent bordées par de grandes puissances. Des livres savants ont reconnu, de notre temps, que les négociations de 1814 et de 1815 avaient été magistralement conduites : pourtant, le retour de l’île d’Elbe, la funeste faiblesse de Ney et la défaite de Waterloo ne les avaient pas rendues faciles. Si Louis XVIII et son génial manœuvrier, Talleyrand, sont cités comme des modèles aujourd’hui, c’est un peu tard, et le mal est fait. En prose et en vers, Louis XVIII et Talleyrand ont été honnis, injuriés, diffamés par les grands poètes et par les petits journalistes. Le service que ces deux hommes avaient rendu à la France a été effroyablement méconnu. De nos jours même, c’est presque en vain qu’un des historiens qui ont travaillé à réhabiliter l’œuvre de 1815 a écrit : « Se figure-t-on la