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8 février, il avait été élu dans vingt-six départements. Si Thiers devenait républicain, la bourgeoisie le deviendrait, et il l’était déjà, tout en ayant assez d’habileté pour laisser de côté la question du régime. La majorité monarchiste était d’accord avec lui pour la remettre à plus tard et elle le nomma chef du pouvoir exécutif. Un républicain de doctrine, Jules Grévy, fut élu président de l’Assemblée. Celui-là avait dit dès 1848 : « Je ne veux pas que la République fasse peur. » Il avait également combattu Gambetta. L’Assemblée poussait en avant les hommes les plus capables de faire accepter la République par un pays qui se méfiait d’elle.

Il fallut tout de suite négocier avec l’Allemagne, l’armistice touchant à sa fin. Négocier n’était pas le mot juste. Il n’y avait plus qu’à subir les conditions de l’ennemi. Les élections avaient désarmé nos négociateurs, parce qu’elles avaient mis en relief un grand désir de paix. Cette paix, l’Assemblée avait le mandat de la signer. Il n’était même pas possible de tirer parti de la résistance où Gambetta s’était obstiné, de menacer Bismarck d’un soulèvement national si ses exigences étaient excessives. On ne pouvait compter non plus sur un autre congrès de Vienne pour rompre le tête-à-tête du vainqueur et du vaincu. L’Angleterre, la Russie, l’Autriche avaient bien donné à Bismarck quelques conseils de modération, mais le congrès de Londres, réuni pour les affaires d’Orient, n’avait pas voulu s’occuper de la paix franco-allemande. La France restait seule. Le principe des nationalités ne lui avait donné ni alliances ni amis. Il fallut céder l’Alsace, une partie de la Lorraine, avec une indemnité de cinq milliards jusqu’au paiement de laquelle l’occupation allemande continuerait. Les préliminaires de la paix furent signés le 26 février 1871 et, trois jours plus tard, ratifiés par l’Assemblée. Les députés des provinces cédées protestèrent que les populations d’Alsace et de Lorraine regardaient comme nul un pacte qui disposait d’elles sans leur consentement. Cent sept voix seulement s’étaient prononcées contre la ratification et c’étaient des voix de républicains avancés : l’extrême gauche radicale restait le parti de la guerre à outrance, et plusieurs de ses membres, pour mieux marquer leur opposition à la signature de la paix, donnèrent leur démission.