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qui n’était rien la veille, qui n’avait qu’une poignée de partisans et qui devenait chef de l’État. Le premier mouvement des députés fut de considérer son élection comme un accident (le président n’était pas rééligible) et de le traiter lui-même comme une quantité négligeable. En effet, n’étant pas initié aux affaires, il montrait de l’embarras et même de la timidité. Pourtant, il avait déjà une politique. Il choisit ses ministres parmi les conservateurs et, mesurant l’importance de l’opinion catholique, lui donna une satisfaction en décidant l’expédition de Rome pour rétablir le Pape dans ses États d’où une révolution l’avait chassé. Jusqu’à la fin, Napoléon III sera conservateur à l’extérieur et libéral à l’intérieur ou inversement, pour contenter toujours les deux tendances des Français.

Cependant sa position était fragile. Elle le fut encore plus après les élections du 13 mai 1849 qui montrèrent que le président était isolé. Un Bonaparte était au faîte de l’État et il n’y avait en France que bien peu de véritables bonapartistes. D’ailleurs le président n’eût pu avoir de programme et de candidats à lui sans violer la Constitution et sans se découvrir. La nouvelle Assemblée, élue, comme il l’avait été lui-même, sous l’impression des journées de Juin, était conservatrice. Elle n’était même plus républicaine. La peur du désordre et de l’anarchie, le mécontentement des campagnes contre l’impôt resté fameux des 45 centimes additionnels aux contributions directes, tout avait détourné la France des républicains. Le parti de l’ordre était vainqueur, et il était représenté par les légitimistes et les orléanistes dont les deux groupes formaient la majorité. Du jour au lendemain, cette majorité pouvait rétablir la monarchie, si les deux groupes monarchistes se réconciliaient comme la famille royale elle-même, divisée depuis 1830. Si la « fusion » échouait, le Prince Président n’aurait qu’à confisquer le courant qui éloignait la France de la République et, au lieu de la royauté, on aurait l’Empire. C’est ainsi que les choses se passèrent. Louis-Napoléon n’eut qu’à profiter des fautes d’une Assemblée royaliste qui ne sut pas accomplir une restauration.

Ces fautes furent nombreuses et graves. Non seulement les partisans du comte de Chambord et ceux du comte de Paris