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CHAPITRE II

L’ESSAI MÉROVINGIEN


Les débuts de Clovis furent si grands, si heureux, qu’on put croire qu’il laisserait après lui quelque chose de vraiment solide. En quelques années, en quelques expéditions, il fut le maître de la Gaule. Campagnes à la fois militaires et politiques. Partout Clovis apparaissait comme le libérateur et le protecteur des catholiques dans les pays où régnaient des Barbares ariens. Gondebaud, le roi de Bourgogne (et la Bourgogne, c’était toute la vallée du Rhône), devint son tributaire et donna des garanties aux Gallo-Romains. Avec l’Aquitaine, la vallée de la Garonne fut délivrée des Goths. C’est à ce moment que Clovis eut la consécration qui lui manquait encore : après celle de l’Église, celle de l’empereur. L’Empire, réfugié à Constantinople, n’avait plus d’autorité en Occident, mais il y gardait du prestige. Lorsque Clovis eut reçu d’Anastase la dignité et les insignes consulaires, ce qu’aucun autre roi barbare n’avait obtenu, sa position se trouva grandie. La dynastie mérovingienne se rattachait à l’Empire romain. Elle parut le continuer et elle fut dès lors « légitime ». C’est une des raisons qui lui permirent de se prolonger pendant deux siècles et demi.

Toutefois il manquait à Clovis d’être aussi puissant dans son pays d’origine que dans ses domaines nouveaux. Les tribus franques, restées païennes, avaient des chefs qui n’étaient pas disposés à obéir au parvenu converti. Ces petits chefs, dont certains étaient ses parents, pouvaient devenir dangereux. Clovis ne vit pas d’autre moyen de s’en délivrer que d’annexer leurs petites principautés. Il n’est pas certain qu’il les ait tués lui-même avec des ruses dont Grégoire de Tours a laissé un naïf récit, composé après ces événements et peut-être d’après