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bassadeur d’Allemagne. Il était d’accord avec lui que la République était une bonne chose, les cléricaux des gens qu’il fallait battre, le maréchal un pauvre homme, les princes des personnes gênantes, et Gontaut-Biron (choisi jadis par lui-même pour le poste de Berlin) un envoyé dangereux et impossible. La note suivante, datée du 7 février 1876, montre en quels termes vraiment excellents vivaient l’illustre vieillard et l’agent du prince de Bismarck :

La princesse Troubetzkoï m’a dit hier soir que Thiers était très affecté que je ne l’eusse pas encouragé à accepter la présidence du Sénat. Si cela arrivait, le maréchal ne resterait pas un instant et se démettrait. Et Thiers mérite bien cette satisfaction.

Le passage est à la vérité un peu brumeux, mais il projette pourtant quelque chose comme l’« obscure clarté » de Corneille. Ces mots ne signifient rien, ou ils veulent dire que Thiers tenait à n’aller de l’avant qu’avec l’assentiment de l’ambassadeur d’Allemagne. Il savait que tout ce qui était républicain était de nature à faire plaisir à Bismarck[1]. Après les

  1. Les Mémoires de Hohenlohe confirment singulièrement ce que les hommes d’État conservateurs avaient compris sans oser toutefois, par des scrupules qui nous paraissent inexplicables, le dire assez haut. Le duc de Broglie écrivait à M. de Gontaut-Biron, des le 25 octobre 1873 : Je pense beaucoup à vous, à votre situation à Berlin… Je ne puis douter que la malveillance n’y soit au comble contre toute combinaison monarchique. M. de Bismarck la poursuit évidemment avec cette haine instinctive qu’il porte à tout ce qui relève la France… Malheureusement, je crains bien que les républicains de France, même les plus illustres et les plus récents, ne consentent à accepter cet appui qui fait peu d’honneur à leur cause. » C’est le duc de Broglie qui soulignait les mots même les plus illustres et les plus récents, où Thiers est clairement désigné. (La Mission de M. de Gontaut-Biron, p. 144.)