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la Saxe et devint ministre de l’empereur d’Autriche ; le prince de Hohenlohe, ministre des Affaires étrangères et président du conseil en Bavière avant 1870, abandonna sans esprit de retour Munich pour Berlin quand les affaires furent devenues sans intérêt auprès de son ancien maître, et recueillit aussitôt après la fondation de l’empire la récompense de sa perspicacité et des services rendus à la Prusse au détriment de la dynastie de Wittelsbach. De telles mœurs n’étaient possibles qu’en Allemagne et dans l’Allemagne d’alors. Imagine-t-on un ancien ministre du roi des Belges occupant tout à coup le Quai d’Orsay ? Tel serait pourtant chez nous l’équivalent du cas de Hohenlohe et de Beust. Rien ne prouve mieux que l’Allemagne n’existait pas il y a soixante-cinq ans, sinon dans l’idée de quelques ambitieux et de quelques rêveurs, et qu’il s’en est fallu de peu qu’elle dût se contenter à jamais de cette existence idéale.

Le prince de Hohenlohe, s’il ne l’a dit, a certainement pensé en même temps que le comte de Beust le mot célèbre, et d’ailleurs juste, du ministre de Saxe : « Décidément, M. de Bismarck est toujours « favorisé par la chance. » Beust le disait par dépit et comme un homme battu par un rival heureux. Hohenlohe le pensa pour régler sa conduite et organiser sa vie d’après cette certitude qu’il n’y avait plus rien d’intéressant ni d’avantageux à faire, pour un homme comme lui, dans l’Allemagne de son temps, qu’avec la Prusse et à la suite de Bismarck. Le premier volume des Mémoires de Hohenlohe