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Il en reçut d’étourdissantes confidences. Le César maladroit lui fit part de ses projets italiens, lui annonça comme nécessaire une lutte entre la France et l’Autriche, l’assura, avec une inqualifiable simplicité, de sa sympathie pour la Prusse et chargea même le diplomate prussien d’aller proposer son alliance à Frédéric-Guillaume IV. Bismarck écoutait ce flot de naïvetés, en prenait bonne note, mais répondait à peine. Son silence, sa réserve, finirent par inquiéter Napoléon III. Il n’en parla que davantage pour dégeler son interlocuteur. Même impassibilité. L’empereur, effrayé pour de bon, compléta sa maladresse. Il pria Bismarck de ne pas le trahir, de considérer leur conversation comme celle de deux hommes privés, non de deux hommes d’État. Bismarck lui promit le secret et le garda en effet, ce dont Napoléon eut la bonté de lui avoir de la reconnaissance. Ce que Bismarck n’avait ni promis ni pu promettre, c’était de ne pas tenir compte des choses apprises, de ne pas se servir des révélations qui lui avaient été faites avec une imprudence sans pareille…

En 1857, Bismarck se trouvait ainsi en excellente posture pour réaliser son ambition déjà consciente : diriger les destinées de la Prusse. C’est à ce moment que, par un rude coup du sort, son auxiliaire le plus précieux vint à lui manquer. Le souverain qui l’avait apprécié, distingué, inventé presque, son protecteur et son ami, Frédéric-Guillaume IV, abandonnait le pouvoir. Comme tout le faisait prévoir, la neurasthénie avait vaincu ce prince généreux,