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sa vie de gentilhomme campagnard que la révolution de 1848 éclatait. On sait la violence qu’elle prit à Berlin. Les Hohenzollern faillirent y perdre leur couronne. En apprenant ce qui se passait dans la capitale, Bismarck, après avoir pris quelques mesures pour faire respecter l’ordre dans ses propriétés et chez ses paysans, se hâta d’aller offrir son dévouement à la personne du roi. Il voulait conseiller au souverain et à la cour une résistance énergique. Il avait raison, mais il le disait trop haut pour être écouté et pour plaire. Frédéric-Guillaume IV était un romanesque, un rêveur, un irrésolu. Il fut très touché et se souvint toujours de la fidélité que Bismarck lui avait montrée dans ces circonstances. Mais en même temps il craignit que le zèle de ce hobereau ultra-réactionnaire ne fût compromettant. Bismarck à Berlin s’agitait beaucoup en effet. Il allait et venait, exhortant les officiers, secouant les généraux, formant des plans de conspiration. Tout le Dumas et le Walter Scott qu’il avait lus dans les veillées de Schœnhausen lui revenaient certainement à l’esprit. Il se faisait jacobite et chouan. À la fin, le général Hedermann dut menacer Bismarck d’une immédiate arrestation pour crime de haute trahison. Bismarck « n’eut qu’à rejoindre son castel, déçu, navré, furieux ».

Il y avait de quoi. Si Bismarck avait déjà de grandes ambitions, il pouvait croire qu’il avait compromis son avenir par excès de zèle. Quelques mois après les terribles journées de mars, lorsque le calme commença à renaître, le nom de Bismarck