Page:Bainville - Bismarck.djvu/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.

où Schopenhauer, qui connaissait si bien notre langue et notre littérature et en avait tiré tant de profit, traite le français comme voici :

Ce plus misérable des jargons romans, cette pire mutilation des mots latins, cette langue qui devrait professer un profond respect pour sa sœur aînée, beaucoup plus noble qu’elle : l’italien ; cette langue qui a pour propriété exclusive la répugnante nasale, en, on, un, ainsi que le hoquetant et abominable accent sur la dernière syllabe, tandis que toutes les autres langues ont la longue pénultième douce et calmante ; cette langue où il n’y a pas de mètre et seulement la rime, et le plus souvent sur é ou sur an, ce qui exclut la forme poétique, — cette misérable langue…

Qui a pu dicter à Schopenhauer ce chapelet d’injures ? D’où vient qu’il nomme ailleurs un « jargon dégoûtant » la langue dont Leibnitz et Frédéric II se servaient par élection et préférence ? D’où vient une si profonde contradiction entre l’opinion des académiciens berlinois de 1784 et celle du philosophe de 1850 ?

Sans, doute, dans cet espace de temps, la littérature allemande s’était enrichie. Sans doute elle avait eu Schiller et Gœthe. Mais l’Allemagne du XVIIIe siècle avait Lessing. La vraie raison n’est pas là. Elle est dans le grand mouvement d’indépendance et de nationalisme causé par la folle hégémonie napoléonienne. Elle est consécutive à Leipzig et à Waterloo, aux désastres de l’Empire mourant. Elle s’explique par l’invasion de la France et la double entrée des Alliés à Paris. On voit par cet exemple le tort que nous ont causé