Page:Bainville - Bismarck.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu à peu, en tirant même de ses défauts d’élocution des effets qui n’appartenaient qu’à lui.

Cet essai de la tribune servait encore à lui donner confiance en lui-même. L’audace du « hobereau fou », qui l’avait un moment abandonné dans cette Diète compassée, lui revient tout entière. Non moins entières et absolues sont ses idées. Il est désormais décidé à les défendre. C’est pour affirmer son nationalisme prussien qu’il est intervenu une première fois dans les débats parlementaires. La seconde, ce sera pour venir au secours de l’autorité monarchique. Les libéraux réclamaient la périodicité de la Diète. Une assemblée siégeant régulièrement, sans être convoquée par ordonnance royale, c’était un autre pouvoir reconnu auprès de celui du roi, c’était la monarchie altérée et diminuée. Bismarck, loyaliste et autoritaire, n’y pouvait point consentir. C’est pourquoi il protesta violemment contre la thèse des orateurs libéraux. Mais il ne s’attaqua pas avec moins d’énergie à une autre invention libérale, car ces inventions se succèdent selon une sorte de rite. La gauche avait donc imaginé d’affranchir les juifs, de leur donner l’égalité de droits, de leur accorder même l’accès à toutes les fonctions.

Je suis, déclara Bismarck, pétri de préjugés, je les ai sucés avec le lait maternel, et je ne réussirai pas à m’en défaire en les discutant, car si je me figure devant moi comme représentant de la Majesté sacrée du roi un juif auquel je devrais obéir, je dois confesser que je me sentirais profondément abaissé et humilié, et que je perdrais le sincère plaisir et l’espèce de point d’honneur avec lequel je tâche à présent de remplir mes devoirs envers l’État.