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représentée jusque sur le trône de Napoléon III. La politique des nationalités se rattache étroitement à la littérature romantique. Il y a un lien entre Magenta et Corinne. Il y en a un entre Sadowa, Sedan et le livre De l’Allemagne. On croyait, on voulait croire à la vertueuse, à la philosophique Germanie. Pourtant n’est-ce pas Gœthe lui-même qui disait, précisément après avoir lu l’ouvrage de Mme de Staël, que les Français avaient tort de trop compter sur la candeur allemande ? C’est de la candeur française qu’il eût bien mieux valu parler. Aussi Gœthe en plaisantait-il, non sans lourdeur : « Ils ne consolideront pas leur coffre-fort, disait-il en parlant de nous, et on le leur volera. » Ce qui s’est accompli à la lettre. Et il ajoutait, ce grand connaisseur et bon juge de ses compatriotes : « Mais si l’on veut apprendre à connaître la malhonnêteté des Allemands dans toute son étendue, il faut se tenir au courant de leur littérature. » Mme de Staël et ses successeurs, qui croyaient la connaître, ne l’avaient jamais lue qu’avec les yeux de la foi, de la tendresse et de l’illusion. De là l’origine de tant de catastrophes. De là cette incapacité de voir, de comprendre et de prévoir qui entraîna les conséquences trop connues que résume fort bien le Messager d’Alsace-Lorraine, sans craindre de raviver le chagrin de ses amis et de ses lecteurs par l’évocation des fautes commises et des occasions perdues :

Si l’on avait été capable de prévoir les événements, aurait-on attendu qu’il fût trop tard ? Entre 1830 et 1866, vingt occasions eussent été bonnes pour arrêter les efforts alle-