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République et son Université ne devaient pas tarder à rendre vain leur effort. Quinze ans après la guerre, le bel élan patriotique et national était égalé puis bientôt dépassé par le renouveau de la propagande démocratique, protestante, néo-kantienne. Le point de vue français, un moment occupé, fut encore une fois abandonné par nos historiens et par nos éducateurs. C’est M. Lavisse, par exemple, qui, dans l’introduction de ses Essais sur l’Allemagne impériale, écrivait des pages où le plus pur internationalisme se trouve déjà en puissance[1]. L’unanimité qui s’était faite chez nous après le traité de Francfort était dès lors rompue. Aujourd’hui, les événements de 1870 sont ouvertement exposés et appréciés, dans leurs effets et dans leurs causes, par des historiens pour qui la France n’est rien de plus qu’un des facteurs de l’évolution universelle.

Le livre de M. Ernest Denis peut être considéré comme le type de cette sorte d’histoire morale et religieuse qui a passé de la Bible dans le protestantisme et du protestantisme dans l’Université de la République. M. Ernest Denis a raconté la formation de l’unité allemande dans un esprit purement idéaliste et mystique. M. Denis ne cache d’ailleurs ni ses

  1. « Avant de mépriser les espérances des socialistes et les menaces des anarchistes, il faudrait d’abord leur enlever leur raison d’être, et qui ne sait qu’ils en ont une ? Elle est éclatante. Déclarer la guerre à la guerre, réclamer le droit de vivre dans la paix et le travail, déclamer contre les États d’aujourd’hui et la politique homicide faite ou acceptée par les classes dirigeantes, cela est un très beau thème et très redoutable. » M. Ernest Lavisse écrivait ces lignes en 1887.