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toutes les choses qui ne devaient pas arriver, entre toutes les choses qu’on pouvait empêcher d’un mot presque d’un signe, la constitution d’un Empire allemand était certainement la plus fragile. Et c’est ce dont un historien a apporté encore la preuve en faisant l’exposé des difficultés de toute sorte que la Prusse rencontra jusqu’à la dernière heure[1]. C’est une curieuse page d’histoire et qui mérite d’être connue chez nous.

En 1866, après les défaites de l’Autriche et de ses alliés, le baron de Varnbüler, ministre des Affaires étrangères du roi de Wurtemberg, s’écria : Væ victis ! C’était le mot de la situation. La Prusse, bureaucratique et caporalisée, et pour cela haïe et redoutée des paisibles Allemands du Sud, eut désormais le prestige des plus forts et devint par ses victoires mêmes et la modération avec laquelle elle en usa, le fondé de pouvoir du patriotisme allemand. On ne peut nier qu’un fort courant portait l’Allemagne vers l’unité, mais ce n’était pas un phénomène nouveau. Et il était si naturel, depuis si longtemps pressenti et redouté, que la politique des Empires voisins, et principalement celle de « l’ennemi héréditaire », avait jusque-là consisté à le détourner et à le diviser. C’est d’ailleurs une œuvre admirable que celle de Bismarck qui réussit à faire passer ce courant unitaire dans le moulin des Hohenzollern. Certes, après 1866, le sort en était jeté. Il eût fallu

  1. Die Kæmpfe um Reichsverfassung und Kaisertum 1870-71, von Dr Wilhelm Busch, Tubingen, 1906.