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plus simple de ne pas commencer par faire l’Italie ? Mais les publicistes et les politiques de gauche tenaient pour incontestable et démontré que l’unité italienne était un événement favorable à la France, et que nous devions la soutenir jusqu’au bout.

Il tombe cependant sous le sens qu’ayant fait l’Italie contre l’Autriche, nous la faisions, par la force des choses, contre nous-mêmes. L’Autriche était notre alliée naturelle et désignée contre les progrès de la Prusse. Tout ce qui l’affaiblissait retombait sur la France. L’Autriche, qui a toujours su, par politique, accepter des situations pénibles, eût encore volontiers passé l’éponge sur les souvenirs de Magenta et de Solférino, sur l’amertume de l’abandon de 1866. Mais nous venions de créer contre elle une puissance qui avait toutes les ambitions de la jeunesse. L’Autriche se sentait déjà menacée, comme le constate le mémoire de M. Émile Bourgeois lui-même, dans le Tyrol, en Dalmatie, à Trieste. Son rôle en Italie, était terminé depuis notre intervention. Elle n’était plus de force à se montrer énergique dans la question romaine, à soutenir le pouvoir temporel, seule pièce subsistante du système aboli des souverainetés italiennes. Elle courait au plus pressé et abandonnait le Saint-Siège, ayant d’abord ses frontières à défendre[1]. À qui la faute,

  1. Nous lisons, chez M. Émile Bourgeois encore, dans son Manuel historique de politique étrangère, t. III, p. 769 : « Pour sauver le Tyrol menacé par l’irrédentisme, François-Joseph avait accepté l’occupation de Rome. »