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les idées de l’Encyclopédie et de Rousseau, pour les principes libéraux et égalitaires, avait complètement démoralisé la Prusse. Il manquait à Frédéric II de croire à la véritable influence de cette philosophie dont il s’amusait, sans d’ailleurs en appliquer jamais les préceptes. Ce jeu faillit compromettre toute son œuvre, ruiner sa monarchie et anéantir l’État prussien si péniblement constitué morceau à morceau, pièce à pièce, par ses tenaces et ambitieux souverains.

On put s’apercevoir des ravages qu’avaient exercés les idées nouvelles quand, après Iéna, les troupes françaises envahirent la Prusse. Les forteresses tombaient sans coup férir aux mains de nos soldats ; des centaines de prisonniers se laissaient garder par quelques hommes ; les autorités, la population, accueillaient l’envahisseur avec sympathie, presque avec empressement. N’était-on pas citoyens du monde ? La guerre n’était-elle pas chose abominable ? En attendant que les contributions militaires et la tyrannie de son administration rendissent son joug insupportable, Napoléon était acclamé par les vaincus. Les détails abondent sur la manière enthousiaste dont il fut accueilli à Berlin. Voici une page de Godefroy Cavaignac, dans sa Formation de la Prusse contemporaine, qui suffit à tout faire comprendre :

Dans une partie de la société de Berlin, l’influence des idées françaises du dix-huitième siècle paraissait avoir effacé jusqu’au sentiment de la nationalité. Il semblait que l’on vît déjà se former autour de l’occupation française