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qu’il fallait continuer à tenir divisé, d’éveiller te qu’il eût mieux valu laisser dormir. Napoléon commit imprudences sur imprudences et non-sens sur non-sens. Il ne profita même pas de ses victoires, ne sut pas briser la dynastie des Hohenzollern ni dépecer immédiatement son territoire quand il la tenait à sa discrétion. L’ouvrage des électeurs de Brandebourg et du grand Frédéric pouvait être anéanti après 1806. Or, Napoléon se contenta de le diminuer et d’humilier Frédéric-Guillaume. Et, qui plus est, il forma, il arrondit de ses mains, auprès de la Prusse, d’autres royaumes qui, simplifiant le chaos germanique, devaient, le jour venu, rendre plus facile l’unité. Telles sont les véritables conséquences que porta la Révolution en Allemagne.

Quant aux idées révolutionnaires en elles-mêmes, les adhésions qu’elles avaient trouvées en Prusse dans le tiers-état, bien loin d’avoir servi le pays, avaient au contraire, dans toute la mesure où elles avaient agi, préparé la catastrophe de 1806. La Prusse se trouvait partagée entre deux partis également hostiles au bien public. D’une part les féodaux, qui, pour maintenir leurs privilèges, ou même pour les restaurer et les étendre en profitant de l’affaiblissement du pouvoir royal, faisaient bon marché de la patrie, de son unité, des nécessités militaires et fiscales ; d’autre part le tiers-état, qui trouvait dans les principes égalitaires et libéraux de commodes prétextes de se soustraire aux obligations du service militaire et de l’impôt. Rarement vit-on plus bel exemple de pays en décomposition