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Prophéties qui devaient être tristement démenties. Ainsi le même homme qui, quelques années plus tôt, indiquait avec tant de vigueur les conséquences nécessaires des fautes de l’Empire, trouvait pour couvrir ses propres fautes les mêmes affirmations et le même « cœur léger » que les ministres de Napoléon III. La triste réplique que fait une pareille lettre à ses admirables discours du Corps législatif !

Le jugement que M. de Gontaut-Biron portait sur M. Thiers a cette sérénité que donnent l’éloignement et le contact de l’étranger, équivalent du recul des années. De Berlin, soustrait à l’esprit de polémique et de parti, uniquement occupé des intérêts français, M. de Gontaut-Biron, mis en éveil et en réaction par l’opinion de Bismarck et de Guillaume Ier, jugea M. Thiers et son système comme les jugera l’histoire, et comme la suite des événements doit les faire juger. La République conservatrice lui apparut comme une erreur, comme la « dernière faute à commettre ». De cette faute, les Souvenirs de M. de Gontaut-Biron précisent, pour tous les patriotes réfléchis, l’origine, la nature et l’étendue.

Il y a, dans l’histoire moderne, une situation comparable à celle où se trouva la France après la conclusion du traité de Francfort. La Prusse, au cours des années qui suivirent Iéna, offre l’exemple d’un État passé sous le protectorat du vainqueur. La Prusse battue avait de lourdes contributions de guerre à payer. Elle supportait une occupation militaire écrasante en garantie de sa dette. Mais cela même ne suffisait pas à Napoléon. Il prétendait