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— pour rétablir l’ordre et comprimer la révolution. La France était considérée comme le gage des cinq milliards ; M. Thiers comme le digne curateur de ce gage. Mais, en même temps, on savait bien que la méthode de Thiers n’était pas celle des Scharnhorst, des Hardenberg et des Stein, celle qui prépara le relèvement et les revanches de la Prusse au XIXe siècle. On avait confiance à Berlin dans la République conservatrice, dans les combinaisons parlementaires de M. Thiers, pour procurer à la France une tranquillité provisoire, mais en même temps pour limiter son essor et arrêter la restauration de sa puissance. Bismarck ne désirait pas que la France fût si vite livrée aux véritables républicains, aux destructeurs et aux pillards. Tel n’était pas son intérêt immédiat. Mais il savait qu’il était dans la nature du régime conforme à ses vœux que les révolutionnaires en prissent la direction juste au moment où les milliards seraient payés, où l’unité allemande serait achevée, où lui-même n’aurait plus à craindre pour l’Allemagne renouvelée la « contagion rouge », au moment enfin où, dotée d’un gouvernement sérieux et fort, la France, avec ses ressources incomparables, eût pu aspirer à reprendre son rang et peut-être son bien.

Non seulement les vœux du chancelier étaient pour M. Thiers, mais encore il mettait à son service, il jetait dans le plateau de la balance l’autorité que lui donnait le corps d’occupation de l’Est et toutes les menaces et moyens de coercition dont dispose un créancier inquiet. M. de Gontaut-Biron