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perdre toutefois ses qualités de dramatique concision.

Un homme d’affaires pourrait, comme une tragédie espagnole, porter en sous-titre : ou la vengeance perd son temps. Un proverbe dit que la vengeance est un plat qui se mange froid et un autre qu’il n’est vengeance que de vieil homme. Tel est bien le cas de Firmin Nortier, le directeur du Grand Comptoir. Fils de paysans beaucerons, il est maintenant de ceux qui règlent le cours de la Bourse. Ce parvenu, qui remue les millions, est un homme fort, un Maître.

Il a conquis de haute lutte sa situation financière comme son rang dans le monde. Et pourtant ce violent, cet orgueilleux, souffre depuis vingt ans la présence continue, dans sa maison et à sa table, d’un tiers qui est, à la connaissance de tous, l’amant de sa femme et le vrai père de sa fille. Personne ne peut concevoir l’extraordinaire patience