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son âme et ce qui vient, c’est, sous la queue, une petite crotte.

Celle-ci, par sa gorge ouverte, pense crier encore et ses cris ne sont que des bulles de sang qui s’allongent et qui crèvent.

Celle-ci, alléchée par un brin d’herbe, le lorgne et jusqu’à la fin, elle pique… pique.

Presque morte, elle essaie au bout du bec une dernière goutte, qui ne deviendra jamais une goutte.

Allons, la vieille, cesse de me regarder, ou faut-il, par la gorge, que je t’étrangle, comme une femme ?…

— La première fois, dit Marie, que j’ai tué une poule, j’ai senti quelque chose de bon, par tout le corps, depuis les pieds jusqu’à la tête.

Pour tuer, Benooi prend une hache, place sa bête sur un billot et vlan ! du premier coup la décapite. Quelquefois la poule se retrouve sur ses pattes et se met à courir, tâchant d’y voir avec son cou sans tête.

La bête déshabillée de ses plumes, Marie en tire toute fumante, une assiettée de friandises roses, blanches ou vertes comme on en trouve dans les vitrines sur les tartes de pâtissiers.

Parfois, chez les vieilles, il vient une série de boules jaunes, les unes comme un grain, d’autres comme une bille, puis de plus grosses : cette poule allait pondre… Trop tard ! trop tard ! la bête est morte.

Si c’est un coq, Marie sait où découvrir deux autres boules qu’elle pose à part avec soin.

— Elles sont grosses, dit Marie, qui, même chez les animaux, apprécie les attributs qui font les mâles.

Ainsi je me familiarise avec la mort. Que des hommes