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— Mais ce n’est pas un plaisir, c’est un métier, je me donne beaucoup de peine.

J’ai beau montrer mes ongles rongés de terre, affirmer que des poules pour moi, c’est comme pour eux leurs vaches :

— Oui, oui, un joli passe-temps.

Ils me veulent rentier, eux, qui avec leurs cochons et leur ferme sont plus riches que moi.

Benooi seul me comprend :

— Laissez-les dire, fait-il.

Mais qu’au bout du mois, je sois gêné pour mes notes :

— J’ai confiance, dit Benooi, qui pense à mes rentes.

Benooi, qui a trois cents poules, possède les trois cents plus belles poules du pays.

Frère Joachim, des Trappistes, qui en détient deux mille, possède également les deux mille plus belles poules du pays.

Ils en discutent et se chamaillent.

Je les laisse dire : je sais bien qu’avec mes deux cents poules, je possède les deux cents plus belles poules du pays.

Ce qu’elles disent.

C’est ici que le français est inférieur. Comment désigner une poule qui a des poussins ? Une « poule qui a des poussins » ? C’est trop long. Une « couveuse » ? Elle a fini, elle ne couve plus. Une « mère » ? Soit, mais on pense à des couches, à des langes, ça sent le lait.

Ne cherchez plus. Écoutez la poule : elle glousse, elle dit son nom : Kloek. Les gens du pays l’appellent ainsi.

Ses poussins la comprennent.

Sous ce buisson, elle va gratter entre les feuilles : kloek !… kloek !… kloek !… À toutes ailes ils arrivent.

Un dernier en retard piaule perdu : kloek !… kloek… Il sait où elle est.

Kloek… kloek… Tout à coup l’averse : au plus vite, elle file en avant choisir un abri : ils la retrouvent.