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s’ouvre un chemin jusqu’au puits, d’où elle tire un seau pour ses bêtes… Voici la charrette.

Vader part en avant par le train, jusqu’au village. Il a son costume brun des dimanches, ses sabots et sa canne. Il choisit sa voiture :

— Un coup de main, Vader ?

— Laissez donc, dit Vader.

Il est vivant, lui ; pas besoin qu’on le hisse.

C’est Guido qui mène la charrette, les Trappistes ont prêté un cheval : il ne conviendrait pas que Lice, la jument des Baerkaelens, traîne sa maîtresse. On marche très vite, comme toujours.

Devant ma maison, Marie, qui attendait sur la porte, nous rattrape et sans me regarder, se joint aux groupes des femmes.

Mélanie nous aimait beaucoup. Elle était si bonne que puisqu’elle est morte, il faut bien qu’il y ait un paradis. Elle bourrait Marie de fromage à l’en rendre malade, parce que Marie avait dit : « Je raffole du fromage. »

— Benooi, disait-elle, portez donc à Monsieur ce pot de confiture.

Elle-même n’eût osé.

Elle disait aussi : « Monsieur est un si brave homme. »

Elle y mettait beaucoup du sien.

Et maintenant voilà !…

À l’église quand on apporte Mélanie, Vader, qui se trouvait déjà à sa place, se met debout comme pour l’arrivée d’un grand personnage. Il va le premier pour l’offrande. Il a laissé sa canne et marche à petits pas, un sabot devant l’autre : tout le défilé qui le suit, doit marcher comme lui.

En traversant le cimetière derrière le corps de sa fille, Vader pense-t-il au fameux mur qu’il a fait bâtir ?

Il tire un grand mouchoir rouge.