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n’atteint pas par au-dessus, la crotte le lui souille par en dessous. Avant le bout du jardin, ils sont déjà trempés.

— C’est étonnant, dis-je, ma tante, comme le sable de la Campine fait aussi de la boue.

— Oh ! papa papa !

— Et ma maison, mon oncle, regardez donc, ce que l’on pisse là-dessus :

— Nom de nom de nom ! fait l’oncle.

Je les mène au plus long par des ornières que je sais, puis par un champ plein de boue, puis sous les arbres de la chaussée qui sont de dangereux paratonnerres. Et je veux qu’ils courent ! Pauvre tante ! Sait-elle encore qu’elle marche ? À chaque éclair, nous devons stopper, car elle mourrait dans sa frousse, si elle ne dégorgeait tous les « papa » qui l’étouffent. Une main dans son dos, je la pousse par derrière, l’oncle, par devant, tire : nom de nom de nom ! honteux de ramener cette vache.

Nous finissons quand même par arriver.

— Huit heures, constate l’oncle, qui est si trempé qu’on s’étonne que sa montre ne soit pas fondue.

— Oui, mon oncle, plus qu’un petit quart d’heure ; il fait d’ailleurs bon, cela nous fera du bien d’attendre.

L’orage en effet s’est calmé. La campagne sent bon. Entre les nuages, le soleil ouvre un œil tout rouge, pour voir. Les arbres s’égouttent. Eux aussi.

— Papa, gémit la tante, pourquoi sommes-nous partis si tôt ?

Pauvre sœur de ma mère ! L’a-t-on retirée de l’eau ? Presque nue, je lui vois le rose des épaules et sais maintenant comment sont faites ces deux choses mobiles, qu’elle appelle peut-être ses nounous. Et mon oncle ! Qu’en reste-t-il dans sa flanelle ? Mais son chapeau, pour un chapeau de photographe, a pris des plis bien esthétiques.

— Nom de nom de nom !

— Patience, mon oncle, le train ne peut tarder.

Il tarde quand même et lorsqu’il arrive enfin, je les pousse dedans, je les regarde se torchonner, je multiplie les « Au revoir », « Bon voyage », « Bon retour » !

Et que le diable les emporte…