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dont elle ne voit pas l’éclair, celui-ci très près, d’une seule chute, celui-là long et qui roule… Et le suivant, que sera-t-il ?

— Oh ! papa ! papa !

Elle ne trouve que ces mots, mais elle en dit beaucoup, trois par éclair, et cela s’enchaîne : « Papapapapapa… » comme s’il fallait ce bruit de plus dans l’orage.

Gagné par cette frousse, l’oncle va s’assurer dans l’âtre si la foudre, des fois, ne pourrait entrer par là, mais il veut rester crâne…

— Quel dommage, fait-il, une si belle journée !

— Oui, mon oncle… et qui finit si mal.

— Praff…

Cette fois, c’était pour nous. Je laisse le coup donner son effet :

— Je me demande, dis-je, mon oncle, comment nous allons faire pour arriver à la gare : il est presque temps.

— Déjà ? fait l’oncle.

— Oui, je pense même qu’il serait bon, tout doucement, qu’on se prépare…

Poliment, comme cela se doit, je vais rassembler leurs petites affaires. Je les connais de les avoir portées : ici le sac, là l’ombrelle, là une canne. Je découvre une voilette :

— Elle est jolie, ma tante, voulez-vous une glace ?

— Oh ! papa ! papa ! »

La pauvre femme ! Elle se laisserait nouer un torchon.

— En somme, réfléchit l’oncle, nous pourrions loger ici. Qu’en pensez-vous ?

Le malin, il s’adresse à Marie. Mais c’est moi qui réponds :

— Voyons, mon oncle, cela vous dérangerait trop, vous avez vu notre lit…

Et un peu brusquement, car voici l’heure, je lui sangle son sac, j’épingle la jupe de ma tante, je leur pousse Marie, qu’ils l’embrassent, et « Après vous, mon oncle », je leur ouvre la porte. J’ai mis moi-même une vieille bâche.

— Nom de nom de nom !

— Oh ! papa ! papa !

Il pleut, il tombe aussi des grêlons. Toute en dentelle, ma tante commence à s’effeuiller comme un arbre. Ce que l’eau